Les mains sans sommeil

7 ans déjà que la Fondation Hermès a lancé des résidences d’artistes. De jeunes talents sont invités à découvrir l’univers de production des manufactures Hermès et ont carte blanche pour réaliser une œuvre, en mobilisant évidemment les matériaux (cuir, soie, cristal, argent…), et les savoir-faire de la maison. Au total, ce sont près de 25 artistes qui ont bénéficié de ce programme depuis sa création.

3 ans après Condensation, l’exposition des travaux issus des premières résidences, la Fondation présente, de nouveau au Palais de Tokyo, Les Mains sans sommeil (jusqu’au 7 janvier). Le très dynamique curateur Gaël Charbau -qui avait aussi accompagné la première exposition- tire ce titre poétique et énigmatique de son observation des échanges entre artistes et artisans : « Les artisans sont des passeurs de gestes guidés par le savoir-faire, les artistes sont des inventeurs de formes traversés par le laisser-faire ».

Cette rétrospective des 3 dernières années de résidence d’artistes au sein des manufactures Hermès dévoile les travaux de 9 artistes : Bianca Argimon, Jennifer Avery, Clarissa Baumann, Lucia Bru, Io Burgard, Anastasia Douka, Célia Gondol, DH McNabb, Lucie Picandet.

On y découvre des œuvres aussi variées que des dessins sérigraphiés sur mousseline, une installation de 80 paires de chaussures « rêvées » par les 80 collaborateurs de John Lobb, un gigantesque lé de soie mettant en forme les échanges de l’artiste avec une chercheuse sur l’expansion de l’univers…

Ce nouveau cru apporte la nouveauté de présenter des performances en plus des oeuvres plastiques, et de donner un aperçu de l’univers de chaque artiste, dont plusieurs pièces sont données à voir, en plus de celles produites lors de leur résidence.

Quels processus de sélection et de travail ?

Chaque année, 3 artistes de renom proposent chacun 3 ou 4 noms de jeunes artistes à Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique de l’entreprise Hermès, qui retiennent un nom parmi chaque panel. Ce sont donc 3 artistes qui chaque année sont accueillis en résidence. Cette fois-ci, ce sont Jean-Michel Alberola, Ann-Veronica Janssens et Richard Fishman qui ont parrainé les artistes durant leur résidence.

L’artiste est invité pour une période d’environ 6 mois dans une manufacture dans laquelle il/elle va tout d’abord s’imprégner des matériaux, des gestes et méthodes de production avant d’élaborer un projet à réaliser en relation avec les artisans.

Ici, ce sont la cristallerie Saint-Louis, Puiforcat, la holding Textile Hermès, la maroquinerie de Seloncourt et les ateliers de Pantin qui se sont prêtés à l’expérience. La fondation Hermès reste très impliquée dans la mise en œuvre de ces résidences et un correspondant RH du site assure le suivi de la résidence sur toute sa durée.

Quels bénéfices ?

On peut facilement comprendre l’intérêt que les artistes trouvent à ces résidences : parrainage par un artiste renommé et échanges construits avec lui, aide à la production rémunérée, exposition au palais de Tokyo, édition d’un catalogue chez Actes Sud …

De même, à travers la reconduction à ce programme depuis 2010, on imagine le bénéfice que les manufactures y trouvent : mobilisation des équipes sur un projet qui amène de la nouveauté dans le quotidien du travail, qui vient nourrir leur créativité, les amène à se projeter dans un autre univers, à aborder leur métier, leurs gestes et les matières qu’ils emploient différemment.

La Fondation Hermès pour sa part assoit son rôle d’institution qui oeuvre à soutenir et promouvoir les jeunes talents.

Un dernier mot…

Chaque organisation a l’art et la manière de mettre en oeuvre ses résidences d’artistes. Il n’y a pas de dispositif type, que ce soit pour la sélection des artistes ou dans le contenu de la résidence. Il est d’ailleurs essentiel que le dispositif soit élaboré sur-mesure, ajusté à son cadre. Il n’y a pas de modèle de résidence d’artiste en entreprise.

Au sortir de la visite de cette seconde exposition ma curiosité me titille encore : j’aimerais vraiment entendre les acteurs qui ont collaboré avec ces artistes. Quel est leur vécu ? Comment cet engagement s’intègre t’il dans leur rythme de travail ? Comment cela les nourrit-il personnellement, et professionnellement… Cela ferait un beau sujet d’investigation !

http://www.palaisdetokyo.com/fr/evenement/les-mains-sans-sommeil